Enzo Cucchi au Musée d’art contemporain – Carré d’art.

J’inaugure notre série Focus avec une œuvre qui ne fait pas directement partie de l’exposition, mais qui lui est néanmoins reliée. Il s’agit d’un tableau de l’artiste italien Enzo CUCCHI, intitulé Sans titre, 1985. C’est une huile sur toile de dimensions impressionnantes : 230 x 340 cm.

Enzo Cucci a été membre du mouvement Transavangardia fondé au début des années 80. Francesco Clemente et Sandro Chia en faisaient aussi partie et furent très proches du peintre Jean-Michel Basquiat à propos duquel Jean-Jacques Salgon a écrit. Voir Le Roi des Zoulous (Verdier).

Cucchi

Le musée d’Art contemporain – Carré d’art la présente à l’occasion de l’exposition RIMBAUD – SOLEILLET. L’achat a été fait en 1986 avec l’aide du FRAM, INV. 86-10, soit un an après sa réalisation.

Sur un panneau qui surgit de la masse d’une ville – une plaque de fer collée sur la toile – se lit une inscription en amharique : arterembo mengede, « rue Arthur Rimbaud ».

Cucchi rue

Ce panneau a existé dans la ville de Harar où Rimbaud a vécu à trois reprises de 1880 à 1891. Il désignait la rue donnant sur le Faras Magala, qui longe vers l’est l’église du Sauveur. À l’intersection de cette rue et de celle qui descend au nord vers Assum Beri, se trouvait la maison que Rimbaud habita lors de son dernier séjour à Harar. Je me suis laissé dire qu’Alain Borer possédait aujourd’hui ce panneau, rangé dans ce qu’il nomme sa rimbaldothèque.

Le tableau fait partie d’une série de trois qui déclinent la même composition.

Sans titre, 1985
Huile sur toile
280 x 350 cm.
Sans titre (Rue Rimbaud), 1985
Huile sur toile
280.7 x 349.9 cm.

Un tableau intitulé Arthur Rimbaud au Harrar, 1985 montre explicitement le poète devenu négociant à Harar. Il reprend la silhouette d’un des autoportraits, connu sous le titre que lui a donné Rimbaud lui-même : dans un jardin de café. On peut voir cette image sous la forme d’un grand tirage rétroéclairé dans la galerie de l’Atrium avec deux autres des autoportraits d’Arthur Rimbaud.

Arthur Rimbaud au Harrar, 1985
Huile sur toile
270 X 320 cm.
Arthur Rimbaud, Autoportrait dans un jardin de café, 1883. © Musée Arthur Rimbaud, Charleville-Mézières.

Une autre œuvre réalisée sur métal présente deux crânes desquels jaillissent une flamme.

Arthur Rimbaud au Harrar, 1985
Vernis sur métal
270 X 330 cm.

Ce motif du crâne, parfois répété, se retrouve dans d’autres tableaux de l’artiste. Il fait même parfois l’objet de la représentation principale de l’oeuvre, ou se retrouve comme partie d’un squelette.

Sur le tableau exposé au musée du Carré d’art, sur un fond d’ocres, noirs et rouges – évocation probable d’un espace désertique – on peut voir justement deux crânes.

Enzo Cucchi, qui a composé des poèmes, connaît bien l’épisode africain de la vie d’Arthur Rimbaud, en particulier à Harar. Savait-il en peignant son tableau qu’en décembre 1882 en Éthiopie, lors de son retour au Choa, Paul Soleillet a ramassé deux crânes humains ?

À 10 h 10, inclinant au nord-ouest, nous trouvons, au milieu des herbes, un très grand nombre d’ossements humains. que les hyènes ont charriés dans toutes les directions. Nous sommes sur l’emplacement d’un champ de bataille, où les gens de Guerra et ceux de Djema se sont livré, il y a une année, un sanglant combat. Les gens qui nous escortent sont partis en avant avec deux hommes de Guerra que nous venons de rencontrer.
Je suis seul à l’arrière avec mes gens, je mets à terre et je ramasse deux crânes ; aucun de mes gens ne voulant s’en charger, je les mets entre ma chemise et ma poitrine et suis obligé d’arrêter là ma récolte ; je remonte à mulet au milieu de mes gens qui ne comprennent rien à mes recherches anthropologiques, ne se gênent pas pour me témoigner leur horreur de ce qui leur paraît une profanation.
“Obok – le Choa – le Kaffa. Récit d’une exploration commerciale en Éthiopie”. Paris, Dreyfous, 1888, p. 269-270.

Ces crânes sont conservés aujourd’hui au musée de l’Homme à Paris.

MISE À JOUR (7 février)

Ayant acheté à Nîmes l’ouvrage de Georges Révoil, Dix mois à la Côte orientale d’Afrique (voir ce billet), je lis cette page où Georges Révoil, explorateur de la Somalie, raconte comment il a lui aussi ramassé un crâne humain en se cachant de ses compagnons de voyage.

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