Bienvenue à Rabaul

Gaussen Cédric

Bienvenue à Rabaul

Bienvenue à Rabaul

Gaussen Cédric
1 août 2019
Drapeau la marine impériale japonaise durant la seconde guerre mondiale

 

Au loin, je commençais à distinguer le relief et la végétation de ce coin de terre perdu au bout du monde. Cette affectation au 501ème escadron de patrouille maritime me remplissait d’un sentiment de fierté. Le service aérien de la marine impériale japonaise, fidèle à sa tradition, avait bien fait les choses. Les douze derniers mois passés à l’académie navale d’Iwakuni s’étaient avérés particulièrement passionnants et instructifs. Faisant offices d’instructeurs détachés, plusieurs vétérans de l’attaque menée sur Pearl Harbor nous prodiguaient leurs conseils avertis. Alors que l’archipel de Bismarck se dessinait à travers le hublot du Kawasaki, la vitesse avec laquelle le pilote s’engageait sur la piste suscita à la fois ma curiosité et de l’inquiétude. Ce n’est que plus tard que je compris que les procédures d’approche sur Rabaul avaient du s’adapter aux fréquentes attaques de l’aviation ennemie.

Rabaul, place forte de l’empire du Soleil Levant dans le Pacifique Sud

 

Lorsque le train d’atterrissage touchait le sol poussiéreux de la piste, je me remémorais notre première rencontre. Un premier contact particulièrement percutant contre le pare-chocs de sa Mercedes qui me valut quelques cotes luxées. Cette main tendue pour me relever de la chaussée humide restera à jamais graver dans ma mémoire. L’uniforme blanc, casquette visée sur la tête, celui que je connaitrais par la suite sous le nom de l’amiral Yamamoto, me sourit malicieusement tandis que je serrais les dents tout en retrouvant l’équilibre. C’est à ce moment là, alors que je retrouvais mes esprits, quelque peu sonné par le choc, qu’il s’adressa à moi :

Si vous savez aussi bien encaisser que çà, l’Aéronavale est faite pour vous !

L’amiral Isokuru Yamamoto, commandant en chef de la flotte combinée et stratège de l’attaque sur Pearl Harbor

 

La fatigue du voyage commençait à se faire sentir. A la sortie de l’appareil, je fus brusquement happé par une moiteur et un air suffocant. Une seule  pensée occupait mon esprit : j’avais hâte d’en découdre. Une fois passé le contrôle par la police militaire, je scrutais l’horizon à l’infini. Une seule pensée occupait désormais mon esprit : j’avais hâte d’en d’écoudre

Patrouille dans les Salomon
L'hydravion Kawanishi H8K sous les bombes

Dés l’entrée de la baie s’élevaient d’énormes gerbes d’eau. Au vrombissement des B-25 s’ajoutaient le bruit assourdissant des bombes incendiaires. Tandis que nous nous précipitions vers notre appareil, l’enfer se déchainait tout autour de nous. Heureusement, l’hydravion était intact et les quatre moteurs tournaient parfaitement. Décoller lors d’un raid aérien pouvait relever aussi bien de la pure folie que de la cour martiale. Mais plutôt que de laisser détruire le Kawanishi sans rien faire, nous agissions dans l’urgence. En quelques secondes, chacun se trouvait à son poste : navigateur, mitrailleur, co-pilote et pilote. Le raid s’intensifiait. Les carcasses des navires et des avions jonchaient la mer et la terre. Une mission de patrouille qui démarrait sous de funestes auspices.

La réputation de cet appareil n’était plus à faire. Il faisait partie avec le Vought Corsair F4F du tandem de la marine américaine. Cette nouvelle génération de chasseur venait de mettre à mal la suprématie de notre Mitsubishi A6M3. Tous les mitrailleurs fixés sur leur collimateur étaient prêts à faire feu. Dans quelques secondes, les cartouches et l’odeur de cordite seraient nos seules compagnes pour ce voyage sans retour.

Le KEA-03 ne répond plus
Pilotes de Hellcat en patrouille de combat

Là, nous étions confrontés à un ennemi particulièrement pugnace et décider à nous faire boire la tasse. Impossible de s’échapper, d’éviter le contact. A notre grande surprise, deux Hellcat se détachèrent de leur formation. Les quatre autres virèrent au sud sûrement à cours de carburant. Notre horizon s’éclaircissait mais la menace était bien réelle. En un clin d’oeil, nos poursuivants venaient de s’éclipser dans l’horizon. Le sort en était jeté. C’est Kintano, notre mitrailleur de queue, qui ouvrit le feu en premier.

Nous plongions vers les flots à une vitesse vertigineuse. Izuku, notre capitaine tentait de récupérer les commandes pour éviter l’inéluctable. L’aile droite céda et se trouva propulsée dans les airs comme une feuille morte en feu. Je me retournai lentement comme dans un rêve pour observer vers l’arrière. Tout n’était que désolation. Le fuselage était criblé d’impacts. Les corps ensanglantés de mitrailleurs latéraux jonchaient le sol. La tourelle supérieure n’était plus là, ainsi que son servant. A l’emplacement du mitrailleur de queue, un trou béant. Un choc violent me sortit d’une torpeur enivrante. La cabine de pilotage venait de percuter l’océan.

Pendant quelques secondes, je croyais encore survivre à cette épreuve. Quelque chose m’avait transpercé le flanc. Je sentais la dernière lueur de vie m’abandonner alors que ce géant d’acier terminait son ultime voyage dans le tumulte des eaux du Pacifique sud, victime de la fureur destructrice des hommes…

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